Interstices Liminaux
Fais moi l’art, Montréal (CAN)
Curator : Laurent Vernet
Sept-Oct 2024
[EN]
In the late 19th-century Montreal interiors of Fais-moi l’art, Morgan Legaré deploys a series of images on aluminum structures that depict life in suburban homes at the turn of the 21st century. Continuing his research on modes of spatial production, the artist revisits childhood photographs from Trois-Rivières for Interstices Liminaux, bearing witness to architectural memory.
A sense of strangeness emerges from the twelve images that make up this new body of work. The artist drew from family archives, selecting photographs imbued with a certain nostalgia, taken with analog cameras—including disposables. Through framing and visual associations, Legaré appropriated these amateur snapshots, layering and juxtaposing them, often focusing on small details. The creative process behind these images mirrors the winding paths of memory, traversing events and places to (re)compose its own narratives. The artist’s intervention becomes evident as human presence is more often suggested than shown in the depicted scenes. Within these liminal interstices—those transitional places and moments at the border between the familiar and the strange, characteristic of web culture—time appears suspended, almost halted before our eyes. The tensions and slightly uncomfortable moments of stillness that Legaré creates become spaces where memory—both the artist’s and the viewer’s—can be negotiated.
By drawing into space using extruded aluminum profiles to outline a staircase cage and a fireplace, Legaré activates architectural archetypes onto which viewers may project their own memories. These industrial materials contrast with the exhibition space and the images they support. The artist reinterprets structures he had previously explored in Extraction, presented at L’Œil de Poisson in 2022. That earlier exhibition focused on the interactions between material and digital modes of production, showcasing on-site modeled structures and textile renderings cast from the same profiles—disrupting the back-and-forth movement of thought between physical and virtual worlds. In Interstices Liminaux, the tensions highlight the complexity of personal, emotional, and social dimensions connected to spatial and architectural experiences—experiences that are anything but hermetic or clinical. This alludes to Salle blanche, presented at Elektra in 2023, where the artist examined serial, automated, and controlled production.
Do the places we have lived retain traces of births and losses, celebrations and sorrows, just as they continue—within our inhabiting memories—to serve as their stage sets? Morgan Legaré allegorically reveals the deep impressions that certain spaces can leave within us—spaces with which only time teaches us to cohabit.
Text: Laurent Vernet
Linguistic revision: Stéphane Gregory
Photo credits: Mike Patten
In the late 19th-century Montreal interiors of Fais-moi l’art, Morgan Legaré deploys a series of images on aluminum structures that depict life in suburban homes at the turn of the 21st century. Continuing his research on modes of spatial production, the artist revisits childhood photographs from Trois-Rivières for Interstices Liminaux, bearing witness to architectural memory.
A sense of strangeness emerges from the twelve images that make up this new body of work. The artist drew from family archives, selecting photographs imbued with a certain nostalgia, taken with analog cameras—including disposables. Through framing and visual associations, Legaré appropriated these amateur snapshots, layering and juxtaposing them, often focusing on small details. The creative process behind these images mirrors the winding paths of memory, traversing events and places to (re)compose its own narratives. The artist’s intervention becomes evident as human presence is more often suggested than shown in the depicted scenes. Within these liminal interstices—those transitional places and moments at the border between the familiar and the strange, characteristic of web culture—time appears suspended, almost halted before our eyes. The tensions and slightly uncomfortable moments of stillness that Legaré creates become spaces where memory—both the artist’s and the viewer’s—can be negotiated.
By drawing into space using extruded aluminum profiles to outline a staircase cage and a fireplace, Legaré activates architectural archetypes onto which viewers may project their own memories. These industrial materials contrast with the exhibition space and the images they support. The artist reinterprets structures he had previously explored in Extraction, presented at L’Œil de Poisson in 2022. That earlier exhibition focused on the interactions between material and digital modes of production, showcasing on-site modeled structures and textile renderings cast from the same profiles—disrupting the back-and-forth movement of thought between physical and virtual worlds. In Interstices Liminaux, the tensions highlight the complexity of personal, emotional, and social dimensions connected to spatial and architectural experiences—experiences that are anything but hermetic or clinical. This alludes to Salle blanche, presented at Elektra in 2023, where the artist examined serial, automated, and controlled production.
Do the places we have lived retain traces of births and losses, celebrations and sorrows, just as they continue—within our inhabiting memories—to serve as their stage sets? Morgan Legaré allegorically reveals the deep impressions that certain spaces can leave within us—spaces with which only time teaches us to cohabit.
Text: Laurent Vernet
Linguistic revision: Stéphane Gregory
Photo credits: Mike Patten
[FR]
Dans les intérieurs montréalais de la fin du 19e siècle de Fais-moi l’art, Morgan Legaré déploie sur des structures en aluminium une série d’images de la vie dans des maisons de banlieue du tournant du 21e siècle. Poursuivant ses recherches sur les modes de production de l’espace, l’artiste revisite pour Interstices Liminaux des photographies de son enfance à Trois-Rivières pour témoigner de la mémoire de l’architecture.
Des douze images qui constituent ce nouveau corpus se dégage un sentiment d’étrangeté. L’artiste a puisé dans les archives familiales des photographies desquelles émane une certaine nostalgie, réalisées avec des appareils argentiques, dont des jetables. Legaré s’est approprié ces photos amateur au fil de jeux de cadrage et d’associations, les superposant et les juxtaposant parfois, focalisant à plusieurs reprises sur des détails ; le processus de création de ces images suivant les méandres de la mémoire qui parcourt les événements et les lieux pour (re)composer ses propres récits. L’intervention de l’artiste se fait manifeste lorsque l’on constate que la présence humaine est souvent plus suggérée que présentée dans les scènes évoquées. Dans ces interstices liminaux – ces lieux et moments de transition à la frontière du connu et de l’étrange, qui sont caractéristiques de la culture Web –, le temps semble en suspens, voire s’arrêter pratiquement devant nos yeux. Les tensions, ces instants de flottement légèrement inconfortables créés par Legaré, deviennent des lieux où la mémoire – aussi bien celle de l’artiste que de la personne qui regarde – peut se négocier.
En dessinant dans l’espace, avec des profilés en aluminium extrudé, les contours d’une cage d’escalier et d’un foyer, Legaré active des archétypes architecturaux sur lesquels il est possible de projeter ses souvenirs. Par leur matérialité industrielle, ces dispositifs contrastent avec leur lieu de présentation, et avec les images qu’ils supportent. L’artiste réinterprète les structures qu’il avait entre autres mises à profit dans Extraction, présentée à L’Œil de Poisson en 2022. Pour cette précédente exposition, Legaré s’est intéressé aux interactions entre les modes de production matériels et numériques, présentant des modélisations de structures réalisées sur place ainsi que des rendus de textiles préalablement moulés sur ces mêmes profilés ; déjouant de la sorte les allers retours de la pensée entre les univers physique et virtuel. Les tensions que l’on retrouve dans Interstices Liminaux mettent cette fois en évidence la complexité des dimensions personnelles, affectives et sociales en lien avec les expériences d’espaces et d’architectures, qui n’ont rien d’hermétique ou de clinique – pour faire allusion à Salle blanche, présentée à Elektra en 2023, où l’artiste s’est penché sur la production sérielle, automatisée et contrôlée.
Les lieux où l’on a résidé conservent-ils des traces des naissances et des deuils, des célébrations comme des peines que l’on y a vécus, au même titre qu’ils continuent, dans ces souvenirs qui nous habitent, d’en être les décors ? Morgan Legaré révèle, de manière allégorique, la profondeur des empreintes que laissent parfois en nous certains espaces, avec lesquels seul le temps peut nous permettre d’apprendre à cohabiter.
Texte : Laurent Vernet
Révision linguistique : Stéphane Gregory
Crédits photo : Mike Patten
Dans les intérieurs montréalais de la fin du 19e siècle de Fais-moi l’art, Morgan Legaré déploie sur des structures en aluminium une série d’images de la vie dans des maisons de banlieue du tournant du 21e siècle. Poursuivant ses recherches sur les modes de production de l’espace, l’artiste revisite pour Interstices Liminaux des photographies de son enfance à Trois-Rivières pour témoigner de la mémoire de l’architecture.
Des douze images qui constituent ce nouveau corpus se dégage un sentiment d’étrangeté. L’artiste a puisé dans les archives familiales des photographies desquelles émane une certaine nostalgie, réalisées avec des appareils argentiques, dont des jetables. Legaré s’est approprié ces photos amateur au fil de jeux de cadrage et d’associations, les superposant et les juxtaposant parfois, focalisant à plusieurs reprises sur des détails ; le processus de création de ces images suivant les méandres de la mémoire qui parcourt les événements et les lieux pour (re)composer ses propres récits. L’intervention de l’artiste se fait manifeste lorsque l’on constate que la présence humaine est souvent plus suggérée que présentée dans les scènes évoquées. Dans ces interstices liminaux – ces lieux et moments de transition à la frontière du connu et de l’étrange, qui sont caractéristiques de la culture Web –, le temps semble en suspens, voire s’arrêter pratiquement devant nos yeux. Les tensions, ces instants de flottement légèrement inconfortables créés par Legaré, deviennent des lieux où la mémoire – aussi bien celle de l’artiste que de la personne qui regarde – peut se négocier.
En dessinant dans l’espace, avec des profilés en aluminium extrudé, les contours d’une cage d’escalier et d’un foyer, Legaré active des archétypes architecturaux sur lesquels il est possible de projeter ses souvenirs. Par leur matérialité industrielle, ces dispositifs contrastent avec leur lieu de présentation, et avec les images qu’ils supportent. L’artiste réinterprète les structures qu’il avait entre autres mises à profit dans Extraction, présentée à L’Œil de Poisson en 2022. Pour cette précédente exposition, Legaré s’est intéressé aux interactions entre les modes de production matériels et numériques, présentant des modélisations de structures réalisées sur place ainsi que des rendus de textiles préalablement moulés sur ces mêmes profilés ; déjouant de la sorte les allers retours de la pensée entre les univers physique et virtuel. Les tensions que l’on retrouve dans Interstices Liminaux mettent cette fois en évidence la complexité des dimensions personnelles, affectives et sociales en lien avec les expériences d’espaces et d’architectures, qui n’ont rien d’hermétique ou de clinique – pour faire allusion à Salle blanche, présentée à Elektra en 2023, où l’artiste s’est penché sur la production sérielle, automatisée et contrôlée.
Les lieux où l’on a résidé conservent-ils des traces des naissances et des deuils, des célébrations comme des peines que l’on y a vécus, au même titre qu’ils continuent, dans ces souvenirs qui nous habitent, d’en être les décors ? Morgan Legaré révèle, de manière allégorique, la profondeur des empreintes que laissent parfois en nous certains espaces, avec lesquels seul le temps peut nous permettre d’apprendre à cohabiter.
Texte : Laurent Vernet
Révision linguistique : Stéphane Gregory
Crédits photo : Mike Patten