Artiste visuel
Tiohtiá:ke / Montréal (CAN)

MORGAN LEGARÉ



















Interstices Liminaux

Commissarié par Laurent Vernet

Fais-moi l’art, 6 au 28 septembre 2024
Installation, photographie











Dans les intérieurs montréalais de la fin du 19e siècle de Fais-moi l’art, Morgan Legaré  déploie sur des structures en aluminium une série d’images de la vie dans des maisons de banlieue du tournant du 21e siècle. Poursuivant ses recherches sur les modes de  production de l’espace, l’artiste revisite pour Interstices Liminaux des photographies de  son enfance à Trois-Rivières pour témoigner de la mémoire de l’architecture.  

Des douze images qui constituent ce nouveau corpus se dégage un sentiment  d’étrangeté. L’artiste a puisé dans les archives familiales des photographies desquelles  émane une certaine nostalgie, réalisées avec des appareils argentiques, dont des jetables. Legaré s’est approprié ces photos amateur au fil de jeux de cadrage et  d’associations, les superposant et les juxtaposant parfois, focalisant à plusieurs reprises sur des détails ; le processus de création de ces images suivant les méandres de la  mémoire qui parcourt les événements et les lieux pour (re)composer ses propres récits. L’intervention de l’artiste se fait manifeste lorsque l’on constate que la présence  humaine est souvent plus suggérée que présentée dans les scènes évoquées. Dans ces  interstices liminaux – ces lieux et moments de transition à la frontière du connu et de  l’étrange, qui sont caractéristiques de la culture Web –, le temps semble en suspens,  voire s’arrêter pratiquement devant nos yeux. Les tensions, ces instants de flottement légèrement inconfortables créés par Legaré, deviennent des lieux où la mémoire – aussi  bien celle de l’artiste que de la personne qui regarde – peut se négocier. 

En dessinant dans l’espace, avec des profilés en aluminium extrudé, les contours d’une cage d’escalier et d’un foyer, Legaré active des archétypes architecturaux sur lesquels il  est possible de projeter ses souvenirs. Par leur matérialité industrielle, ces dispositifs  contrastent avec leur lieu de présentation, et avec les images qu’ils supportent. L’artiste réinterprète les structures qu’il avait entre autres mises à profit dans Extraction,  présentée à L’Œil de Poisson en 2022. Pour cette précédente exposition, Legaré s’est  intéressé aux interactions entre les modes de production matériels et numériques, présentant des modélisations de structures réalisées sur place ainsi que des rendus de  textiles préalablement moulés sur ces mêmes profilés ; déjouant de la sorte les allers retours de la pensée entre les univers physique et virtuel. Les tensions que l’on retrouve dans Interstices Liminaux mettent cette fois en évidence la complexité des dimensions personnelles, affectives et sociales en lien avec les expériences d’espaces et  d’architectures, qui n’ont rien d’hermétique ou de clinique – pour faire allusion à Salle  blanche, présentée à Elektra en 2023, où l’artiste s’est penché sur la production sérielle,  automatisée et contrôlée.  

Les lieux où l’on a résidé conservent-ils des traces des naissances et des deuils, des  célébrations comme des peines que l’on y a vécus, au même titre qu’ils continuent, dans  ces souvenirs qui nous habitent, d’en être les décors ? Morgan Legaré révèle, de manière  allégorique, la profondeur des empreintes que laissent parfois en nous certains espaces,  avec lesquels seul le temps peut nous permettre d’apprendre à cohabiter. 


Texte : Laurent Vernet 
Révision linguistique : Stéphane Gregory
Crédits photo : Mike Patten





















Salle Blanche / Clean Room

ELEKTRA, 8 septembre au 21 octobre 2023
Installation, vidéo, impression numérique













Les salles blanches, terme utilisé dans le milieu industriel ou la recherche scientifique, sont des espaces de production aseptisés et contrôlés dans le but de minimiser l'introduction, la génération, la rétention de particules, afin d’accroître la rentabilité et de garantir la quantité et la qualité des productions. 

L’artiste pose un regard sensible sur l'esthétisme minimaliste de ces matériaux industriels et réutilise les codes utilitaires des machineries des chaînes de production, qu’il sublime. Ainsi, l'imposante et délicate armature composée d’aluminium extrudé et d’acrylique apparaît comme un écrin dans lequel l’outil de modélisation 3D opère son protocole pour générer un corpus installatif et artistique en temps réel. 

Cette composition met l’emphase sur l’action en cours et questionne les processus de création artistique à l’aune des nouvelles technologies et de la production de masse.


Texte : Florentine Wüest
Crédits photo : Alejandro Escamilla



























Extraction

l’Œil de Poisson (grande galerie), 28 octobre au 4 décembre 2022
Installation, sculpture, impression numérique













À travers ses plus récents travaux, Morgan Legaré s’intéresse aux mécanismes bilatéraux entre l’automatisation et le contrôle. Véritable spécialisation en contrôle industriel, l’automatisation est un procédé visant à accroître la rentabilité, ainsi qu’à garantir la quantité — et la qualité — de production au moyen de technologies avancées. Selon les rouages de ces systèmes techniques, l’artiste crée de façon contre-productive avec un logiciel d’exploration 3D afin de contester des pratiques déshumanisées par l’automation.


Les expérimentations bi-tridimensionnelles du corpus Extraction, s’intègrent avec précision aux composantes architecturales du white cube de L’Œil de Poisson. Commissariée par Jean-Michel Quirion, cette première exposition en centre d’artistes pour Morgan Legaré s’appréhende telle une série de micro-chantiers. Par des interventions d’une imposante fragilité, bâties en profils d’aluminium extrudés, l’artiste édifie autrement l’espace. Une structure élevée au centre de la galerie agit comme un portail vers des interstices interreliés : de l’intérieur à l’extérieur, de l’instable au solide, de l’imperceptible au visible. Par le biais d’images aux effets illusionnistes, de stimuli matériels en textiles et de dispositifs-structures hors-normes, sortes de leurres protéiformes, Legaré détourne en des tours de passe-passe la perception de ce lieu vernaculaire de Méduse. Formes et fonctions entrent en tension.


Des assemblages et des moulages de fibres, réalisés de façon in situ durant la période de montage à L’Œil, se déclinent çà et là sur les supports d’aluminium et le sol bétonné. Les reliefs de textiles aux textures polymorphes sont figés en des négatifs. Les envers sont exposés. Les empreintes subtiles des profils métallurgiques se décèlent en un composite perméable. La matière, d’une stabilité précaire, s’élève et s’effondre.


Qui plus est, parallèlement à ces propositions, Legaré montre les images d’Extraction. Façonnées numériquement à partir de moulages réalisés directement sur les supports et de modélisations 3D préparatoires, celles-ci génèrent leurs propres variations de spatialisation et révèlent des interstices liminaux. Elles sont comparables à des (re)mises en abyme. Les extractions visuelles sont disposées dans la galerie comme des fenêtres donnant sur un Œil de Poisson reproduit virtuellement. L’œuvre Consonances intemporelles (2022), positionnée sur une cloison inclinée dans un recoin, est particulièrement attractive. Les reflets pixélisés, genre de perturbations causées lors du rendu de l’image, portent à croire qu’il s’agit d’un écran dysfonctionnel.


Cette installation rejoue habilement de la circulation et notamment de la contemplation. Les visiteur.euse.s sont captivé.e.s par les détournements matériels incarnés. Les œuvres relèvent de processus lents et de techniques obstinément ambitieuses, laborieuses et, de surcroît, parcimonieuses. Les procédés de réalisation, résultant de savoir-faire et de gestes appliqués, non automatisés, mais contrôlés par Morgan Legaré lui-même, sont saillants. Les pièces sont ainsi extraites de la logique productiviste devenue le précepte de l’industrialisation. Le présent corpus dé-reconstruit le conditionnement et l’optimisation. Celui-ci est immanent à ce qui se fabrique tant par les mains de l’artiste dans son atelier qu’à son écran.


Texte : Jean-Michel Quirion
Crédits photo : Charles Fréderick Ouellet
















Automatisation & contrôle

Galerie Laroche / Joncas, septembre 2020
Installation, sculpture, impression numérique













Invité à présenter ses recherches alliant art numérique et sculpture, Morgan Legaré présentera le fruit d’une résidence de plusieurs semaines à la galerie Laroche/Joncas dans le cadre d’une exposition solo du 1er au 15 septembre 2020. L’artiste présentera des œuvres réalisées par le biais de rendus 3D et d’impressions digitales, ayant comme point de départ le maillage entre objet virtuel et matérialité physique. Images imprimées, architectures et arrangements spatiaux entrent en dialogue dans le lieu d’exposition pour générer de nouvelles expériences cognitivo-perceptives. En créant ses installations, Morgan Legaré propose au spectateur une expérience sensorielle inusitée. Il utilise la sculpture sous une forme aliénante, invitant ainsi le regardeur à interagir avec cette nouvelle spatialité.

Tiré d'une spécialité faisant partie du spectre en contrôle industriel, l'Automatisation est un procédé visant à croitre le rendement et la qualité de production d'un.e opérateur.ice en lui donnant accès à une technologie avancée.


Faisant écho à cette spécialité, tout en explorant la souche de sa définition, l'artiste travaille d'une façon contre-productive avec un logiciel d'exploration 3D de manière à déjouer le calcul des images et créant ainsi des œuvres inachevées. C'est alors qu'en capturant l'image en pleine modélisation que carrés oranges et marques de rendus numériques apparaissent, reprenant depuis, le contrôle sur une méthode dite automatique, il questionne la réalité d'un travail accompli et/ou partagé avec cette technologie.


Texte : Émilie Granjon
Crédits photo : Mike Patten